Après une lutte politique épique qui aura duré trois longues années, le jour du jugement a finalement sonné pour Joe Clark à titre de leader du Parti progressiste-conservateur du Canada au cours du congrès à la chefferie tenu à Ottawa du 9 au 11 juin 1983.
L'imminence de l'annonce des résultats du quatrième et dernier tour de scrutin fit taire les clameurs d'anticipation nerveuse qui remplissaient l'atmosphère de la grande salle du Centre municipal d'Ottawa en ce début de soirée ce samedi. L'annonceur s'avança jusqu'au lutrin et lut les résultats d'une vois neutre: "Joe Clark ... 1,325 ... Brian Mulroney ... 1,584." Une vague tumultueuse d'émotions envahit la salle et enveloppa autant les vainqueurs que les perdants. Les partisans de Clark éprouvaient toute la gamme des sentiments que l'on pouvait s'attendre de voir du côté de ceux qui éprouvaient la défaite. Toutefois, avec sa force caractéristique, Clark murmura simpement: "C'est ça!" et commença aussitôt à serrer les mains qui se tendaient vers lui et qui appartenaient à ses collègues du caucus assis autour de lui dans les estrades.
Quelques heures plus tard, alors que les partisans de Mulroney dispersés dans les hôtels du centre-ville d'Ottawa célébraient joyeusement leur victoire remportée de haute lutte, l'équipe de Clark se rassemblait dans un salon particulier au rez-de-chaussée de l'hôtel Château Laurier. À son arrivée dans la salle, une dernière salve d'honneur qui scandait "Clark-Clark-Clark!" se fit entendre pour accueillir le leader détrôné. Les partisans l'entouraient respectueusement, certains pleuraient, plusieurs s'étreignaient et d'autres sanglotaient. Pendant plus de 20 minutes, Clark assuma leurs larmes, ressentit leur douleur et leur peine, partagea leur deuil mais resta en tout temps calme et maître de ses émotions.
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